Cameroon Stop Repression

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Depuis le 22 Septembre 2020,

Des centaines d'hommes et de femmes sont incarcérés, réprimés et torturés au Cameroun pour leur choix politique

L’univers carcéral

Surpopulation carcérale : récit sur le quotidien des détenus surpopulation / situation sanitaire a risque (soins médicaux) / alimentation proposée par l’administration pénitentiaire.

Le Président de la commission des droits de l’homme et des libertés au barreau du Cameroun dans un communiqué daté du 26 mars 2020 rappelait que :

— Au soir du 31 décembre 2018, le Cameroun comptait 31.815 détenus pour 17.915 places disponibles, soit 57,9% de la population carcérale,

— L’effectif total du personnel pénitentiaire était estimé à 4.674 personnes,

18.435 détenus sont en attentes de jugement soit donc plus de la moitié des prisonniers,

— Le taux d’occupation des prisons est de 193% dans la région du centre et 299% dans la région du littoral,

— S’agissant de la couverture sanitaire, un médecin était affecté à 1383 détenus.

— Répartition des prisonniers dans la prison de Kondengui —

Quartier 1 : après les quartiers dits « résidentiels », c’est le premier des quartiers les plus propres où les prisonniers sont à peu près responsables.

 

Quartier 2 : quartier des personnes atteintes de tuberculose ou de toute autre maladie nécessitant une mise en quarantaine.

 

Quartiers 3 : initialement prévu pour des détenus poursuivis pour des motifs tels que l’abus de confiance, l’escroquerie etc., on y retrouve aujourd’hui une forte communauté de nos compatriotes arrêtés dans le cadre de la crise anglophone ainsi que des détenus poursuivis pour meurtre, vol à mains armées etc.

 

Quartier 4 : ce quartier comporte deux cellules, une dite responsable et une autre tristement célèbre et appelée « cellule de passage ». Elle est sensée accueillir tous les détenus envoyés à la prison, peu importe le motif et peu importe la durée de détention. Cette cellule est sensée réduire l’homme à sa plus simple expression, lui faire comprendre qu’il n’est qu’un animal. C’est ainsi que l’on peut retrouver 80 à 100 personnes dans cette cellule et cela n’émeut personne. Mais dans la réalité, pour échapper à la cellule de passage, il faut corrompre le commandant du quartier avec une forte somme d’argent. Le commandant du quartier est lui-même un prisonnier, généralement le plus ancien. Le commandant du quartier tient un cahier dans lequel il enregistre les noms de tous les nouveaux détenus.

 

Quartier 5 : quartier féminin encore appelé Ngass.

Quartier 6 : quartier des condamnés à mort

 

Quartier 7 : encore appelé quartier spécial DDP (Détourneurs des deniers publics) : Quartier des ministres et autres DDP.

Ces deux quartiers (6 et 7) sont baptisés « Kosovo » et représentent les quartiers les plus dangereux de la prison. Le quartier 6 est réservé aux détenus très redoutés tels que les braqueurs, les trafiquants d’ossements humains etc.

Quartier 10 : Quartier des malade mentaux encore appelé buanderie 

 

Quartier 13 : Quartiers des mineurs

 

Quartier 13 bis : encore appelé « petit spécial DDP » construit par Yves Michel Fotso.

Quartier 14 : spécial DDP

 

Dans chaque quartier, il y a des locaux. Chaque détenu est affecté dans un local mais faute de couchette, les détenus affectés dans un local sont reparties en trois catégories :

— Les mandataires : ceux qui bénéficient d’une couchette

— Les dormaterres : ceux qui dorment sur le sol nu

— Les dorma-dehors : ce sont les plus nombreux. Ils dorment dehors dans l’espace qui sert lieu de la cour du quartier et sont exposés à la pluie et toute autre intempérie.

L’état sanitaire est à déplorer. Les quartiers 8 et 9 où séjournent plus de 3000 prisonniers, soit environ 1500 détenus par quartier, ne disposent que de trois douches chacune et un seul point d’eau. Aucune toilette n’est protégée par une porte question de préserver l’intimité. Ainsi lorsqu’un détenu est accroupi pour se soulager, la file d’attente commence tout juste devant lui. En dehors des quartiers des DDP et des ministres, la situation est quasiment la même.

 

 

 

En ce qui concerne le traitement de l’administration pénitentiaire, il faut savoir que tout se monnaye en prison :

— L’accès à la cour principale de la prison,

— L’accès à une information sur sa situation carcérale,

— L’entrée dans un quartier qui n’est pas son quartier d’affectation et en ce qui concerne le — Kosovo, la sortie du quartier se monnaye

— L’accord pour discuter avec un proche venu vous rendre visite

— Le banc sur lequel les détenus s’asseyent pour échanger avec un visiteur

— L’affectation dans un quartier

— L’affectation dans un local

— L’octroi d’une couchette

Bref rien n’est gratuit en prison, absolument rien. Ce sont des prisonniers désignés par l’administration qui sont chargés de procéder au racket et de reverser le fruit du racket à l’administration. Kondengui est par ailleurs un grand marché de stupéfiants et c’est avec la complicité de l’administration que les stupéfiants entrent en prison.

En ce qui concerne le repas, deux principaux repas sont servis aux détenus : le riz accompagné de la sauce d’arachide et le cornchaff (mélange de maïs et de haricot).

Les repas sont préparés par des corveillables. En prison, les corveillables sont les prisonniers dont la peine arrive bientôt à échéance (généralement moins de deux mois). Ils sont donc autorisés à pratiquer la corvée à l’instar de cuisiner les repas pour détenus à l’extérieur de la prison. Ces repas sont cuisinés dans des futs en aluminium et sont remués par des pelles. Après cuisson, les repas sont transportés en prison à l’intérieur des casseroles et sont distribués dans les seaux aux représentants de chaque local. En effet, dans chaque local, il y a un Chef local, un maire du local et un trésorier. Le maire du local s’occupe de la propreté du local et se charge de récupérer le repas du local dans un seau. Il se charge ensuite de la redistribution à tous les détenus du local. La qualité du repas est vraiment à craindre. A la vérité, en prison on se nourrit pour garder les forces et survivre car les repas offerts aux prisonniers sont SANS SAVEUR.

En ce qui concerne les soins de santé :

La prison est dotée d’un centre de santé. Le Personnel est constitué des gardiens de prison et des administrateurs de prison. Lorsqu’un détenu est malade, il se rend au centre et paye un carnet à 100fr sur lequel est porté son nom, la date de son entrée en prison (encore appelée date du mandat de dépôt), le motif de son incarcération, son quartier et le numéro de son local. Après consultation, si le cas nécessite une hospitalisation, la première perfusion est gratuite et les autres sont à la charge du patient et coutent généralement deux fois plus cher que le coût normal d’une perfusion en liberté. Si un détenu est malade et n’a pas d’argent pour se soigner, il est clair qu’il passera de vie à trépas. Si le cas ne nécessite pas une hospitalisation et ne nécessite pas une ordonnance pour achat de médicaments en pharmacie à l’extérieur de la prison, alors les médicaments lui sont offerts gratuitement. La première prise est faite devant les infirmiers et les autres prises sont faites dans le quartier de résidence du détenu. Un infirmier vient au quartier aux heures de prise et lit les noms des patients pour qu’ils viennent prendre leurs médicaments et chaque détenu vient avec de l’eau pour boire immédiatement ses médicaments devant l’infirmier. Mais très souvent les détenus soudoient l’infirmier pour récupérer le lot de leurs médicaments et les conserver eux-mêmes. Dans chaque quartier, l’administration nomme un détenu appelé « Chargé malade ». Le chargé malade en question est celui à qui s’adresse premièrement un malade pour qu’il diligente sa consultation et il est aussi chargé du suivi des malades. Par ailleurs, lorsque le cas nécessite une ordonnance des médicaments à acheter hors de la prison, l’ordonnance est aux frais du patient. Lorsque le plateau technique – presque d’ailleurs inexistant du centre de santé de la prison – ne permet pas une prise en charge efficiente d’un détenu malade, le détenu est référé dans un hôpital à l’extérieur de la prison et tous les frais y afférents sont à la charge du détenu en question. A la vérité, les détenus sont régulièrement malades et il y’a uniquement deux médecins généralistes pour un total de près de six mille (6000) détenus. La promiscuité et l’insalubrité en prison sont de véritables vecteurs de maladie. Le plateau technique presque inexistant est source de plusieurs cas de décès.

 

Jean Bonheur TCHOUAFFA (ancien détenu politique)