Je vais parler un peu du collectif d’avocats réunis autour des leaders d’opinion ou de tous ceux qui participent à la lutte pour les libertés dans notre pays.
L’histoire du collectif d’avocats est une histoire d’un regroupement d’avocats libres et indépendants qui se sont retrouvés pour se poser des questions de l’existence du Droit et de la pratique de la Justice.
Ce collectif qui regroupe environ 60 personnes, 60 avocats – je précise libres et indépendants – bien qu’il y ait des militants dans la composition de ce collectif, est un collectif qui s’est posé des questions sur l’existence du Droit, l’effectivité du Droit au Cameroun.
Alors, ce collectif, aujourd’hui baptisé Sylvain SOUOP, le nom de baptême qu’on a pris à la suite du décès du premier coordonnateur, Me Sylvain SOUOP, Membre du Conseil de l’Ordre des Avocats du Cameroun, décédé en Janvier 2021.
Nous avons pris conscience du fait que le Collectif, qui était un regroupement informel, devait prendre déjà une certaine forme. Nous avons baptisé ce collectif en prenant son nom, pour perpétuer ses œuvres, et pour perpétuer l’idée que nous partagions en commun.
Le Collectif, au moment du décès de Me Sylvain SOUOP, avait déjà réalisé ce petit bilan que je vais vous présenter.
Nous sommes rendus, au décès de Me SOUOP, à 1079 procédures, que nous avons faites pour l’encadrement des manifestants pacifiques réunis sous l’égide du MRC et Alliés, qui exerçaient un droit Constitutionnel en 2019 et qui avaient subi des arrestations arbitraires, suivi des détentions arbitraires et des procès rocambolesques.
Donc, nous étions rendus au décès de Me SOUOP à 1079 procédures. Nous avions perdu 737. On avait gagné 77 et il restait 265 procédures en cours parmi lesquels on pouvait compter les 204 communications qui avaient été faites au niveau de Genève.
De ces 1079 procédures, nous avions engagé ensemble 437 procédures d’Habeas Corpus. 7 étaient en cours, en pourvoir devant la Cour Suprême du Cameroun.
Ces procédures restent toujours en cours jusqu’à ce jour. Et à ces procédures pendantes devant la Cour Suprême du Cameroun, nous avions entretemps engagé 2 autres.
Voilà le bilan, je peux dire le Testament qui a été laissé par Me SOUOP.
Aujourd’hui, avec des nouvelles vagues d’arrestations intervenues à l’occasion des marches du 22 septembre, programmées pour le 22 septembre 2021, où nous avons assisté à des arrestations de 793 personnes, le collectif aujourd’hui a dans son décompte, 126 personnes encore arbitrairement détenues.
Sur les 126, il y en a 125 qui passent devant les juridictions militaires, et il y a encore une procédure pendante qui concerne 1 des détenus arbitraires, qui est traduit devant le Tribunal de Première Instance de Yaoundé-EKOUNOU, et sa procédure est encore en cours.
Nous sommes rendus aujourd’hui à 224 procédures d’Habeas Corpus, que nous avons toutes perdues. Ces 224 procédures ont été déclarées non fondées pour certaines, et pour d’autres, certains juges se sont déclarés incompétents. La 3ème vague, ce sont des juges qui ont pensé que l’Habeas Corpus que nous avons introduit pendant que les personnes étaient encore sous détention arbitraire n’était pas nécessaire parce que ces procédures ont été jugées irrecevables.
Voilà donc le collectif présenté brièvement avec ses activités, depuis les nouvelles marches du 22 septembre qui sont en cours.
Je précise que le collectif continue à contester la compétence personnelle du Tribunal Militaire, devant lequel 125 personnes doivent répondre. Le Collectif s’appuie sur la Constitution de la République, et s’appuie sur la Jurisprudence des juridictions internationales et des juridictions régionales.
Et nous ne comprenons pas pourquoi depuis que nous avons soulevé ces exceptions devant les magistrats, devant les juges d’instructions, que ces tribunaux continuent à poser des actes d’instruction sans toutefois se prononcer sur leur compétence et cela pose le problème que nous rencontrons au quotidien dans notre pratique professionnelle : celui d’une justice qui réprouve l’application de ses propres textes.
On ne comprend pas comment une justice qui se veut indépendante, et qui est rendue sur la base des textes en vigueur et au nom d’un peuple, qui a accepté des instruments juridiques, on ne comprend pas que des juges trouvent des moyens pour s’en écarter. Cela pose ce problème et c’est une difficulté majeure à laquelle la défense se heurte.
On se retrouve dans une situation où nous pouvons valablement soutenir que nos clients subissent une torture désormais judiciaire. C’est-à-dire après avoir subi la torture des éléments de police, d’une police administrative barbare, subi des tortures dans des centres de détention, après cela, la torture s’est transportée dans des pénitenciers où nos clients subissent également des actes et plusieurs types d’actes de tortures, et voilà que justice ne peut pas leur être rendue, à travers les rejets d’Habeas Corpus, à travers les refus de les conduire devant les juges d’Habeas Corpus, à travers des bastonnades – il faut le dire – que subissent des avocats, nous pouvons dire que la justice s’est écartée des principes qui doivent guider la justice dans un Etat de Droit. Il se passe sous les cieux Camerounais ce que j’appellerais la torture judiciaire.
Pour quelles raisons avez-vous accepté ces dossiers ?
Pourquoi nous avons accepté ces dossiers ? Je vous ai dit que les 60 avocats qui composent le Collectif Sylvain SOUOP c’est un regroupement d’avocats libres et indépendants. Beaucoup de gens doivent se demander pourquoi dans cet univers de non-droit, est-ce que le métier d’avocat peut exister.
A première vue, ce n’est pas facile d’accepter ce genre de dossier dans ce genre d’univers où on connait déjà l’issue des procès. Où la balance est tellement déséquilibrée qu’on connait déjà quelle est l’opinion du juge lorsqu’on se rend devant lui.
Ce n’est pas facile que l’on trouve au sein d’un barreau des gens qui acceptent de se faire humilier à la police. Des avocats qui acceptent, pour la défense de leurs clients, d’aller se faire humilier à la Gendarmerie. Nous avons subi tout cela. Nous subissons au quotidien ces humiliations, même de la part de certains Magistrats, surtout des Magistrats qui sont en charge de ce genre de dossiers dit-on signalés. Parce qu’il suffit – et nous l’avons constaté – qu’un dossier porte la mention au crayon MRC pour que le juge se rende compte, ou le Magistrat qui va traiter le dossier, sache que cette mention manuscrite au crayon voudrait dire qu’il ne doit pas appliquer la règle de Droit.
Nous le dénonçons et nous le faisons chaque jour. Pourquoi nous le faisons ? Je dois dire que notre serment d’avocat comprend une dimension humanitaire. C’est-à-dire que nous exerçons notre fonction avec humanisme. Dans une société où des gens doivent s’exprimer, et que des gens doivent faire de la prison tout simplement parce qu’ils ont exercé leur liberté d’expression, exprimé leur opinion, c’est-à-dire exprimé une opinion contraire à celle de l’establishment, et que ceux-là doivent subir la prison, c’est que c’est un problème.
S’il n’y a pas des avocats pour être à côté d’eux, toute la société acteur, et comme la parole est le principal instrument de l’avocat, ça veut dire que lorsque le citoyen sera sévèrement puni ou bien sévèrement réprimé ou atteint dans son droit fondamental, la profession d’avocat doit cesser d’exister. Et si la profession d’avocat cesse d’exister, la justice doit cesser d’exister. Les deux vont de pair.
Il n’y a pas une justice conçue sans défense. Et c’est pour ça que de l’avis du Collectif, nous sommes en train de construire, d’expérimenter l’exercice du Droit au Silence. Parce que voyez-vous, à quoi ça sert d’aller devant une justice où on sait que les dés sont pipés ? Si les dés sont pipés à partir de l’Officier de Police Judiciaire, qui se trouve être le prolongement de l’instrument de l’oppression de l’Etat, et que le Juge lui-même devient le principal instrument qui prolonge l’oppression de l’Etat, alors d’emblée on constate que la Défense ne doit pas exister, et il appartient aux citoyens d’exercer, lorsqu’il fait face à ce genre de pratiques, d’exercer un Droit concurrent qu’on appelle le Droit au Silence.
Nous avons constaté à l’occasion des procédures que systématiquement la police Camerounaise, suivie par les Magistrats en charge des dossiers, pratiquent l’auto-incrimination. Vous êtes arrêté sans fait. M. BIBOU NISSACK par exemple. Il est arrêté chez lui. Il n’y a pas de fait. Sous des prétextes, il est conduit en prison. Et aujourd’hui nous entendons des gens proclamer la présomption d’innocence. Quelqu’un qui est chez lui et qui s’apprête à sortir est-il coupable ou innocent ? La Police Camerounaise dit qu’il est coupable, la justice dit qu’il est coupable, et par rapport aux faits, il n’y a aucun fait contre lui. En vertu de quoi on le déclare coupable ?
C’est pour ça qu’au niveau du Collectif, il y a toute une opinion qui préconise que non seulement nos clients doivent – nos clients d’opinion, c’est-à-dire nos clients qui entendent exercer leur droit constitutionnel, l’exercice de la liberté d’opinion, l’exercice de la liberté de manifester et autres – lorsqu’ils sont arrêtés arbitrairement dans ces conditions et détenus arbitrairement dans ces conditions, nous leur recommandons l’exercice du Droit de silence.
Et il en est de même pour tout le monde. Lorsque vous allez faire face à cette justice truquée, votre seule défense doit être l’exercice de votre Droit de silence, qui est un Droit constitutionnel.
Donc nous avons accepté ces dossiers – voudrais-je conclure – pour perpétuer la dimension humanitaire de notre serment, et pour participer également au combat, c’est-à-dire à la lutte pour la liberté d’expression dans notre pays et pour la démocratie.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez pour assurer la défense de ces personnes ?
La principale difficulté pour soigner cette société malade c’est que le langage de communication entre les avocats, le citoyen et les organes de répression c’est la loi, le Code de Procédures Pénales. Au niveau de la défense, nous avons l’impression que les autorités judiciaires ne veulent pas appliquer le Code de Procédures Pénales. Et ça pose un problème.
Si les Officiers de Police Judiciaire et les Magistrats ne veulent plus obéir à cet instrument de communication commun entre le citoyen, sa défense et la Justice, ça veut dire que les prisonniers ou ceux qui sont détenus arbitrairement du fait de leurs opinions ou du fait de l’exercice de leurs droits constitutionnels, sont des victimes d’autres lois qui ne sont pas rendues publiques. Ce sont lesquelles ? Voilà la première difficulté. La première difficulté à la défense c’est d’abord de déterminer la loi qui est en train de s’appliquer à son client.
Parce que de l’autre côté, nous pensons qu’on est en train d’appliquer le code de procédures pénales, alors que les autorités répressives appliquent autre chose que le code de procédures pénales.
La deuxième difficulté c’est l’exercice des violences. Violences qui s’assimilent à des tortures sur nos clients, et violences sur les avocats.
Jusqu’à une récente date au Service Central de Recherches Judiciaires du Cameroun, l’avocat devait se déchausser, l’avocat devait se faire fouiller, pour avoir accès à son client. Et fouiller veut dire que l’avocat se soumettait à ce que des gendarmes le palpent jusqu’aux parties intimes, déchaussé devant une cohorte d’autres gendarmes, et qu’en fin de compte, on conduise son client devant lui avec des gens armés tout autour. L’entretien confidentiel qui est obligatoire et accepté par tous les peuples entre l’avocat et son client n’était pas, et n’est pas jusqu’à présent une pratique acceptée par les Officiers de Police Judiciaire au Cameroun.
La Consultation des dossiers : il faut toute une bataille pour que les officiers de police judiciaire acceptent que préalablement à l’audition, que l’avocat consulte le dossier contre lequel sont client doit répondre.
Si vous êtes entendu sans consultation de dossier, c’est-à-dire sans savoir sur quel fait vous devez répondre, sans savoir quelles sont les preuves qui sont réunies contre vous, à ce moment-là, qu’est-ce qui entre en jeu ? Et la question rituelle c’est que : qu’est-ce que vous savez de l’affaire qui vous amène ici à la Gendarmerie ou à la Police ? Et c’est ce que nous réprouvons, cette pratique de l’auto-incrimination.
Ça veut dire que de votre récit, l’Officier de Police Judiciaire doit retirer les éléments à charge contre vous, parce qu’il n’en a pas. Et comme il n’en a pas, pourquoi vous êtes aux arrêts ? Et c’est ça que nous décrions. C’est ça qui constitue des difficultés d’exercice. Donc vous êtes là, vous êtes appelé à la Gendarmerie pour assister votre client, et dans la tête des Officiers de Police Judiciaire, la Police ou la Gendarmerie, assister veut dire regarder, c’est-à-dire les laisser faire ! Lorsque vous faites des observations, ils deviennent tous courroucés. C’est ce que j’ai dit, que c’est ça le langage de communication, qui est le code de procédures pénales, ce n’est pas ce que le Code de Procédures Pénales a recommandé.
Maintenant, lorsqu’il se trouve qu’il y ait une discussion théorique qui s’installe entre l’avocat et les officiers de Police Judiciaire, il va sans dire qu’il y aura des déséquilibres ! Et chaque fois qu’il y a déséquilibre, l’officier de police judiciaire se souvient qu’il est armé, qu’il appartient à la force publique, d’où des assauts répétés, des assauts agressifs contre les avocats.
Et lorsqu’on moleste un avocat devant son client, c’est pour dire à ce citoyen déjà meurtri par l’incarcération que “même ton avocat ne vaut rien”, et que la justice c’est la violence.
Donc contre cette pratique, nous souhaitons, et le collectif en est bien conscient et fait des merveilles sur la question, nous souhaitons que ce soit une action corporative en faveur du citoyen. Parce que si le citoyen ne doit pas être suffisamment renseigné sur ses droits parce que sa défense est muselée, sa défense est en péril, la justice serait en péril.
Si la défense n’existe pas, il n’y a pas de Justice ! Et s’il n’y a pas de Justice, il n’y a pas de Démocratie, et il n’y a pas d’Etat de Droit !
Voilà ce que je peux dire en ce qui concerne les difficultés de la Défense.
Depuis 2018 après les élections présidentielles au Cameroun, nous avons eu un nombre important et grave de violations des droits civils et politiques. C’est-à-dire que nous avons trouvé une tonne d’arrestations arbitraires de nombreuses personnes en particulier des militants du Mouvement de la Renaissance du Cameroun. J’ai donc été particulièrement briefé en la matière car mon intérêt à rejoindre l’équipage « Le collectif d’avocats Sylvain Souop » était parce que nous plaidons pour la défense et la protection des faibles, pour la protection des droits civils et politiques. Nous avons un intérêt particulier pour le respect de l’Etat de droit.
Donc à ce jour, nous avons près de 250 personnes qui sont toujours détenues. Ici particulièrement à Yaoundé, nous avons près de 130 qui sont toujours en détention arbitraire parce qu’ils ont été arrêtés soit avant, soit après le 21 septembre 2020. Quel est le motif ? Parce qu’ils voulaient juste exprimer leur opinion. Ainsi, nous avons des cas graves de violation de leur droit. La plupart d’entre eux ont été torturés après leur arrestation, la plupart des arrêtés étaient sans mandat d’arrêt, la plupart étaient même arrêtés avant de commettre le fait pour lequel ils sont en détention.
Prenons le cas de M. Fogue Alain Tedom qui a été arrêté avant la journée de la manifestation pacifique. Et Bibou Nissack ? Lui qui a été arrêté à son domicile. Ils sont venus et l’ont invité à venir, allons voir le Délégué à la Sûreté Nationale, Monsieur Mbarga Nguele, puis il a été arrêté.
Nous assistons donc à une grave privation des droits civils fondamentaux, nous assistons et augmentons l’avancée de la répression dictatoriale et de la répression. Vous voyez, dans ces cas, tous ceux qui sont arrêtés ont été emmenés à la Gendarmerie, au Secrétariat à la défense. La plupart d’entre eux ont été torturés. Moi qui suis avocat Tatang lorsque je suis allé une fois là-bas le 10/12/2020 rendre visite à mes clients que sont le Pr Fogue et Bibou Nisack, je me suis retrouvé agressé par des officiers de police judiciaire là-bas. Le gendarme a saisi essentiellement mes documents avec lesquels je venais briefer mes clients.
Nous assistons donc à une répression continue de la part du régime en place. Cela fait en sorte que même l’avocat que je suis, nous avons peur d’exercer notre profession.
Nous rencontrons des difficultés dans notre vie commune car par exemple, quand je vais au tribunal aujourd’hui, mon client a peur de me briefer sur les affaires. Les clients ordinaires que j’ai lorsque je porte l’affaire devant un juge ordinaire qui a peut-être déjà jugé les affaires du MRC ou les affaires de violation des droits civils et politiques, nous lui trouverions une raison de juger l’affaire contre moi, comme s’il était mon adversaire, non, ce n’est pas le cas. Donc, ce que j’ai juste à dire, c’est qu’aujourd’hui, ceux qui ont été arrêtés illégalement sont toujours en détention et tous ceux qui sont en détention ; vous remarquerez que la détention n’est basée sur rien.
Nous avons même saisi le juge d’habeas corpus pour les libérer. Ils n’ont jamais été traduits en justice au premier tour. Au deuxième tour, quand ils se sont présentés devant la justice, seulement quelques-uns d’entre eux, ils sont venus et ont ensuite vu justifiée leur arrestation, justifiant la légalité de leur détention parce que la personne est sous la juridiction du tribunal militaire. Vous voyez, tout cela, ce sont des personnes civiles jugées par un tribunal militaire, en fait, nous sommes dans une situation où nous pensons que la loi n’est toujours pas respectée.
Nous sommes dans une situation où nous vivons au gré des vents et des caprices de ceux qui manipulent soit les bureaux de sécurité, soit la justice. C’est ce que j’ai à dire à propos de ceux qui sont aujourd’hui en rétention. Je vous remercie.
J’aimerais que nous parlions un peu de cette situation que vivent les prisonniers politiques au Cameroun. J’aimerais principalement m’appesantir sur l’environnement de la justice au Cameroun qui fonde ces victimes. En réalité, au Cameroun nous avons une longue tradition de justice aux ordres. Cette justice aux ordres s’illustre parfaitement en ce qui concerne les prisonniers politiques du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun et illustre l’instrumentalisation dont peut faire l’objet la machine judiciaire. En clair, il s’agit de l’instrumentalisation de la machine judiciaire à des fins purement politiques.
L’illustration la plus éclatante, c’est l’usage qui est fait de la justice militaire pour littéralement prendre en otage, capturer les adversaires politiques. Cette justice militaire qui, comme tout le monde le sait, est une justice spéciale de type du reste disciplinaire, destinée à réprimer les forces de défense qui se sont illustrées par des écarts, est très régulièrement, je dirais même systématiquement utilisée pour réprimer l’expression politique, la liberté d’expression des citoyens. C’est ainsi que nos camarades politiques, au rang desquels des cadres importants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun : Je vais citer le porte-parole du président Maurice Kamto, Monsieur Bibou Nissack, je vais citer le trésorier national de notre parti, le professeur Alain Foqué et bien d’autres. Aujourd’hui ils sont détenus sur la base d’une poursuite initiée par ce tribunal militaire, alors que pour ceux mêmes qui sont poursuivis notamment pour insurrection, hostilité contre la patrie et bien d’autres, il s’agissait simplement d’une manifestation publique. Manifestation publique que la justice aux ordres choisit de qualifier d’atteinte à la sûreté de l’Etat.
Mais cette justice aux ordres n’a pas commencé aujourd’hui. On se souvient que dans les années 90, le bâtonnier Yondo Black lui aussi, avait été poursuivi par ce même tribunal militaire alors qu’il avait, dit-on, simplement tenté de créer un parti politique.
Si on revenait à la justice ordinaire. Il faut noter qu’il y a une démission quasi systématique de celui qui est réputé être le garant des libertés. Ce juge judiciaire qui est réputé être garant des libertés. Ce juge judiciaire qui est réputé protéger la liberté des uns et des autres, les libertés fondamentales, à qui le Code de procédure pénale a donné le pouvoir, y compris de remettre en liberté immédiatement les personnes qui feraient l’objet de détentions arbitraires illégales.
Ce juge ordinaire, ce juge judiciaire, même saisi en cas d’habeas corpus, lorsqu’il manque de manière flagrante de titres, refuse de dire le droit, refuse de rentrer dans l’histoire, refuse d’aider les concitoyens qui pourtant sont ceux au nom de qui il est supposé rendre la justice. Voilà quelques éléments qui ne sont certainement pas exhaustifs, mais qui nous permettent aujourd’hui d’attirer l’attention de l’opinion de la communauté nationale et internationale sur le fait que cette justice-là est une justice aux ordres et elle est destinée à réprimer et à étouffer la libre expression démocratique.
Je vous remercie.